Combien de professionnels différents sont réellement nécessaires en réadaptation physique ?20/11/2017 Dans cette série de billets, j'ai tenté de mettre en lumière les différences entre la physiothérapie, la chiropratique, l'ostéopathie et la massothérapie. Bien que ce soit encore un des articles les plus populaire sur ce blogue, les gens terminent leur lecture avec souvent plus de questions qu'ils en avaient au départ et ne savent toujours pas qui consulter pour leurs douleurs musulo-squelettiques. On arrive principalement à deux conclusions. D'une part, il y a beaucoup de chassé-croisés et il n'y a que très peu d'actes réservés. Tous les thérapeutes, par exemple, vont utiliser le massage et différentes thérapies manuelles, telles que le relâchement myofascial, des mobilisations, des pompages, etc. Les chiropraticiens utilisent traditionnellement davantage les manipulations vertébrales (ajustements chiropratiques), mais les physiothérapeutes peuvent aussi poser cet acte s'ils ont reçu la formation appropriée. Certains ostéopathes vont également utiliser ces manipulations, bien que ça soit illégal pour le moment. D'autre part, aucune de ces professions ne brille particulièrement et la physiothérapie est généralement votre option la plus sensée pour vos douleurs musculo-squelettiques, malgré les approches et le discours souvent désuets et alarmistes. Ce qui m'amène à la question très délicate : combien de professionnels différents sont réellement nécessaires en réadaptation physique ? À cette courte liste de quatre professions, nous pouvons ajouter l'ergothérapie, l'acupuncture et tous les titres dérivés de la massothérapie, tels que l'orthothérapie ou la masso-kinésithérapie. Je vais volontairement ignorer la psychologie et la nutrition, mais je crois fortement que ces professions sont sous-utilisées dans les programmes de réadaptation. Le spécialiste de la réadaptation : physiothérapie et chiropratiqueJe peux vous donner mon opinion d'emblée, je ne vois aucune bonne raison justifiant l’existence de ces deux professions. En fait, lorsqu'on compare les meilleurs physiothérapeutes et chiropraticiens, leurs approches sont souvent similaires et ils suggèrent habituellement une réadaptation active. Autrefois, lorsqu'on croyait toujours que les manipulations vertébrales (ajustements chiropratiques) demandaient d'importantes habiletés techniques et un haut niveau de précision, consulter un expert était important. Maintenant que nous savons que ces manipulations sont non-spécifiques, c'est-à-dire qu'on manipule souvent un large segment et non une articulation spécifique, la donne a changé. De plus, on ne reconnait l'efficacité de ces techniques principalement que pour les maux de dos. Puisque aucune intervention n'est particulièrement efficace, ces manipulations peuvent être un bon choix d'intervention pour certaines personnes. Tel que mentionné précédemment, la physiothérapie semble montrer plus de volonté à adapter sa pratique à mesure que le savoir évolue et c'est pourquoi mon cœur penche davantage pour cette profession. De plus, les physiothérapeutes ont présentement une pratique très large et jouent un rôle important dans les hôpitaux auprès de patients ayant vécu des traumatismes de toutes sortes (événement cardio-vasculaire, accident, opération, etc.). Honnêtement, nous pourrions joindre ces deux professions, garder un nom ou l'autre, et établir un meilleur système pour policer cette pratique en s'assurant qu'elle reste à jour. La thérapie manuelle avec ou sans instrumentToutes ces professions utilisent une forme ou une autre de thérapie manuelle, avec ou sans instrument. Certains vont masser, mobiliser ou manipuler avec leur mains. D'autres vont utiliser des outils sur la peau ou en dessous du derme, comme un morceau de métal, des cups, ou des aiguilles. Dans tous les cas, les effets sont non-spécifiques et demandent peu d'habiletés par rapport à ce qu'on croyait autrefois. Les acupuncteurs vont étudier 3 ans et apprendre un système pré-scientifique très complexe, justifiant le protocole choisi, alors que ni l'emplacement des aiguilles, ni le fait d’insérer ou non les aiguilles, ne changent quoique ce soit dans les résultats obtenus. Les ostéopathes vont étudier habituellement entre 3 et 5 ans et apprendront aussi des techniques élaborées, comme la thérapie crânienne et la thérapie viscérale, alors que les effets sont similaires à un simple massage de la tête ou du ventre. Les physiothérapeutes apprennent toujours en détails plusieurs protocoles précis pour utiliser des ultrasons, par exemple, alors que nous savons depuis longtemps que cette intervention n'est pas efficace pour à peu près aucune condition musculo-squelettique. Je traiterai du volet éthique de proposer un traitement dont les effets sont non-spécifiques (placebo) dans un prochain billet. Étant donné la relative simplicité de la plupart de ces interventions et de ces techniques, le temps alloué à leur apprentissage pourrait être réduit considérablement. Bref, on pourrait justifier la présence d'un technicien spécialisé dans ce genre de techniques afin d'assister le praticien principal. Présentement, il y a tellement d'approches et de titres professionnels, de nouveaux naissant régulièrement, que la confusion ne cesse de croître. Paul Ingraham résume la situation dans cet article classique. La thérapie par exercices : physiothérapie, ergothérapie, chiropratique et kinésiologie.Certaines professions comme les ergothérapeutes et les kinésiologues n'ont techniquement pas le droit de poser les mains sur leur client/patient à des fins thérapeutiques, ce qui est ironique étant donné le manque de spécificité et les faibles risques associés à la thérapie manuelle. Ceci étant dit, ces professions prescriront habituellement des exercices comme intervention. Les physiothérapeutes, ainsi que certains chiropraticiens, adaptent progressivement leur pratique et tentent d'être reconnus comme des spécialistes du mouvement et de l'exercice. Les ergothérapeutes tentent de se distinguer en affirmant que leurs programmes d'exercices préparent spécifiquement leurs patients à retourner à leurs activités de tous les jours. Même si les kinésiologues ne font toujours pas partis d'un ordre professionnel, ils tentent de s'imposer comme les spécialistes de l'exercice et de l'entraînement physique, autant dans un gym que dans un hôpital ou dans un foyer pour personnes âgées. Leur intégration au sein des programmes de réadaptation physique a d'ailleurs beaucoup progressé dans les dernières années. Éliminer la confusion est une prioritéCe système et tous ces chassé-croisés entre les différentes professions nous coûtent, en tant que société, très cher. Nous pouvons d'abord mentionner que la formation pour plusieurs de ces professions, physiothérapie, ergothérapie, chiropratique et acupuncture, est payée par le système public d'éducation. En décuplant ces professions semblables et en allongeant inutilement les formations pour leur donner plus de crédibilité, nous pouvons facilement concevoir que le coût collectif est beaucoup plus important qu'il ne devrait l'être. Les gens souffrant de douleurs musculo-squelettiques sont malheureusement très confus et on ne peut pas s'attendre qu'ils s'éduquent eux-même. Certaines personnes vont ainsi souffrir pendant plusieurs années, simplement parce qu'ils ont été privé des soins appropriés pour leur condition. Y-a-t'il une solution ?Hypothétiquement, oui, mais réalistement, probablement pas ! Les ostéopathes et les kinésiologues, par exemple, tentent présentement de créer leur propre ordre professionnel. Je serais extrêmement surpris qu'un quelconque projet de réforme voit le jour. Puisque les médecins ont tendance à se policer davantage que les autres professions et que la prescription médicale a beaucoup de pouvoir, les changements passeront probablement par eux. Je crois que nous avons essentiellement besoin d'un seul professionnel de la réadaptation et qu'il pourrait simplement y avoir différentes spécialités, comme c'est déjà le cas en physiothérapie d'ailleurs. Il devrait y avoir un meilleur système pour s'assurer que la connaissance des praticiens est à jour, car les ordres professionnels, dans leur structure actuelle, ne remplissent malheureusement pas ce mandat. Les ergothérapeutes ont remplacé, plus facilement que les autres professions, le modèle biomédical par le modèle bio-psychosocial et, par conséquent, leur pratique est généralement davantage au goût du jour. Ce professionnel hypothétique, pourrait soit tout faire lui-même ou s'entourer de différents techniciens dont les tâches pourrait être de masser, de piquer, de taper, de craquer, d'enseigner les exercices, etc. Le discours général serait plus uniforme et l'on réduirait ainsi la confusion de la population par rapport à la réadaptation physique. Puisque ce professionnel devrait déjà aider ses patients à retourner à leurs activités nomales, que ce soit en lien avec leur travail, les activités de la vie quotidienne (se faire à manger, emprunter les escaliers, prendre un bain, etc.) ou leurs activités sportives, nous n'avons pas besoin d'une 2e profession pour remplir ce mandat. De ce que j'ai pu observer, il resterait toujours plusieurs tâches, n'étant pas aussi spécifiquement liée à la réadaptation physique, que les ergothérapeutes accomplissent présentement. Par exemple, plusieurs d'entre-eux adaptent le logis de personnes âgées pour leur permettre d'habiter chez eux le plus longtemps possible. Certains ergothérapeutes vont également modifier certaines tâches en milieu de travail, afin de diminuer les irritants et possiblement prévenir les blessures. Aussi, depuis quelques années, les ergothérapeutes aident les gens souffrant de maladies mentales, afin de développer de meilleures stratégies pour fonctionner dans la vie de tous les jours. En fait, leurs tâches sont tellement variées en ce moment qu'ils gagneraient probablement à préciser leur pratique, afin que le public comprenne mieux leur mandat. Y-a-t'il quelque chose qui m'échappe ?Je pouvais sentir la tension et l'inconfort chez les professionnels avec qui j'ai eu cette discussion, car j'attaquais en quelque sorte leur identité et potentiellement leur revenu. Selon mon expérience, ces derniers semblent davantage remarquer les différences plutôt que les similitudes entre les professions, et considèrent même cette situation avantageuse, mettant l'accent sur une stratégie multi-disciplinaire. Bien qu'impliquer plusieurs professionnels peut-être une bonne stratégie, je ne crois pas que ça justifie toute cette confusion. Nous aurions probablement avantage à impliquer davantage les psychologues et les nutritionnistes en réadaptation physique, étant donné la nature multi-factorielle de la douleur musculo-squelettique. Je sais que ce n'est pas un sujet facile, mais je crois que c'est une discussion importante, et ce, même si elle est très inconfortable. Ai-je oublié quelque chose d'important dans mon analyse ? Est-ce que vous êtes d'accord avec ma perspective ou est-ce que j'aborde le problème de la mauvaise façon ? N'hésitez-pas à me partager votre opinion ci-dessous !
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AuteurFrédéric est un massothérapeute, spécialiste FMS et entraîneur en performance sportive. Archives
Novembre 2017
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